Avion vert : les promesses vont-elles toutes s'envoler ?


Par Laura Gallimidi le 13/02/2025


Le trafic aérien de transport de passagers est en forte croissance depuis la fin de la crise du Covid et, avec elle, l’augmentation significative des émissions de gaz à effet de serre, de près de 85% depuis 1990. Et pour cause, l'aviation est responsable de près de 3% des émissions de CO₂ mondiale ! Pour continuer à faire vivre cette industrie florissante tout en répondant aux ambitions de neutralité carbone de la France et au règlement du Parlement européen qui entend que 70% des carburants utilisés dans l’aviation soient durables d’ici à 2050, l’aéronautique brandit une solution qui semble simple et efficace : l’avion vert.

FairTrotter tente de comprendre avec vous si la promesse est aussi belle qu’elle y paraît.

Mais c’est quoi l’avion vert en fait ?

Déjà ce n’est pas si simple que ça. On ne parle pas d’un nouvel avion révolutionnaire qui à lui seul viendrait résoudre l’épineux problème de la décarbonation. C’est en réalité plutôt un terme générique qui désigne des initiatives qui pourraient, à plus ou moins long terme, réduire les émissions de CO₂ des avions.

On trouve par exemple : 

  • Les carburants alternatifs appelés CAD (Carburant Durable d’Aviation) qui comprennent des biocarburants ou des carburants de synthèse.
  • La construction d’avions électriques.
  • La construction d’avion à hydrogène.

Tout n’est pas si vert du côté des innovations

Jusque là, ça à l’air plutôt pas mal. Sauf qu’évidemment, les choses sont toujours un peu plus compliquées que ça. En effet, les solutions avancées pour l’avion vert ont des défauts majeurs : 

  • Les biocarburants durables peuvent en théorie être déjà utilisés aujourd’hui en mélange avec du kérosène. Dans la réalité, ils ne représentent qu’un usage très minoritaire (moins de 1% de l’aviation mondiale). Et, si demain on venait à remplacer massivement le kérosène par des biocarburants, cela poserait un problème d’exploitation massive des ressources, avec des conséquences désastreuses sur la biodiversité et énormément d’énergie pour les produire.
  • Les carburants de synthèse qui, en gros, reproduisent de manière synthétique le kérosène sont incroyablement coûteux à produire et nécessitent énormément d’électricité. À ce stade, ce n’est donc pas non plus vraiment une piste viable.
  • Airbus qui avait annoncé la sortie d’un avion à hydrogène pour 2035 vient justement de le reporter… indéfiniment faute d’un écosystème en place pour le faire exister. Pourtant cette solution n’est pas non plus complètement satisfaisante car l’hydrogène doit être stocké sous forme liquide et prend beaucoup plus de place que du carburant standard. Il faut donc repenser entièrement la conception des avions et la répartition des charges à bord. Donc pour le moment pas de longs courriers avec cette technologie. Et, n’oublions pas, que là encore, la production d’hydrogène n’est pas neutre. D’après les calculs menés par l’Atelier d’écologie politique de Toulouse, il faudrait 5 000 km2 d’éoliennes, 1 000 km2 de panneaux photovoltaïques ou 16 réacteurs nucléaires rien que pour faire tourner l’aéroport Paris-Charles-de-Gaulle.
  • L’avion électrique est régulièrement présenté comme LA solution pour un avenir aérien durable. Cependant, de nombreux défis techniques restent encore à relever et la production d’appareils de ce genre est loin d’être sans conséquences. Actuellement, ce type de solutions n’est envisageable que sur des courtes distances.

Les projets de création de nouveaux avions ont donc sérieusement du plomb dans l’aile… Sans compter que la conception même de ces appareils est très énergivore et donc polluante et que la transition pour remplacer l’ensemble des flottes existantes sera longue ce qui rendra alors les objectifs de l’Accord de Paris inatteignables. Les scientifiques s’accordent aujourd’hui pour dire que l’usage de 70% de CAD dans l’aviation d’ici 2050 est irréaliste. 

Décarboner l’aviation : mission impossible ?

Beaucoup de scientifiques s’accordent pour dire que l’objectif de décarbonation ne pourra pas être atteint avec l’avion vert. L’Agence de Transition Ecologique (ADEME) a d’ailleurs fait la projection de trois scénarios potentiels pour l’avenir de l’aviation : 

  1. Conservation du trafic aérien et investissements dans la recherche et la construction aéronautique.
  2. Sobriété pour stabiliser le trafic aérien et développement des CAD.
  3. Utiliser tous les leviers.

Et le grand gagnant est… le scénario n°3 (sans grand suspens, j’en conviens). La décarbonatation est donc possible mais au prix d’efforts et de choix politiques pour accompagner l’usage de carburants durables et la recherche aéronautique. En clair : il faut réguler et diminuer le trafic aérien pour avoir une chance d’atteindre nos objectifs de décarbonation. Quelle bonne nouvelle ! FairTrotter vous propose justement des petites escapades et des grandes aventures 100% sans avion. Découvrez-les ici.

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Un message qui ne semble pas être très clairement passé pour notre gouvernement qui continue de favoriser massivement le transport aérien (découvrez ici pourquoi le train coûte si cher) et l’annonce d’Emmanuel Macron, lors du salon du Bourget en 2023, d’investissements massifs de l’ordre de 300 millions d’euros par an entre 2024 et 2030 dédiés à la conception de nouveaux avions “verts”.

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