[Interview] Une traversée continent-Corse inédite avec Sailcoop

L’histoire de Sailcoop, la première coopérative de transport de passagers à la voile, créée fin 2021, est d’abord celle d’un « bout de projet » ressorti des cartons, d’une idée jetée sur les réseaux sociaux (version 3.0 de la bouteille à la mer !) et d’un engouement spontané et collectif qui lui a donné des ailes… ou plutôt de la voilure ! Depuis, Sailcoop a mis le cap sur un objectif majeur : démocratiser le voyage à la voile et en faire une alternative de transport évidente. 

De quoi enthousiasmer FairTrotter pour son séjour en Corse !  Entre Toulon (ou Saint-Raphaël) et Calvi, embarquez pour une traversée à la voile, et pour une aventure inédite suscitant plein de questions que nous avons posées à Maxime de Rostolan, l’initiateur du projet en charge de son développement.

Aussi tentante soit-elle, une traversée à la voile est quand même une aventure qui peut freiner celles et ceux qui n’ont pas forcément le pied marin… Que leur diriez-vous pour les rassurer ?

Déjà qu’un voilier, grâce à sa quille, est par nature assez stable. Ensuite, que nous avons tout le confort à bord, et les astuces anti-mal de mer, pour garantir une traversée dans les meilleures conditions. Enfin, que la majorité des passagers qui ont déjà fait une traversée avec Sailcoop ne sont pas forcément des « voileux ». Pour 80 % d’entre eux, c’était même la première fois qu’ils dormaient sur un bateau ! Beaucoup de nos clients viennent pour des raisons essentiellement écolos, et d’autres pour l’aventure comme vous dites, mais globalement ce sont des gens engagés. 

Vous parlez de confort à bord, mais encore ? 

Nos clients sont très agréablement surpris lorsqu’ils découvrent nos voiliers « Belle Aventure » et “Awake”, de magnifiques monocoques de 15 mètres, qui peuvent embarquer jusqu’à 8 passagers et 2 vélos ! Les cabines sont spacieuses et très confortables, y compris pour les grands gabarits (j’ai testé !). La traversée inclut 3 repas à bord qui sont bio-végétariens réalisés par un chef marseillais. On peut voyager en famille sans problème avec des enfants à partir de 4 ans. 

Cette traversée peut-elle être aussi propice à sensibiliser et initier vos hôtes à la voile en les impliquant dans les manœuvres ? 

Évidemment, cela ne s’impose pas puisque les capitaines 200* qui skippent le bateau sont parfaitement autonomes ! Mais bien entendu, si les conditions le permettent, et avec l’accord du capitaine, les passagers qui le souhaitent peuvent participer aux manœuvres simples ou tenir la barre !  Ou à défaut, partager la passion de nos skippers et profiter de leurs connaissances sur le monde marin, surtout lorsqu’on a la chance de croiser certains de ses habitants…Ce qui a été le cas lors des traversées en 2022 puisque 80% de nos passagers ont vu des dauphins et 50% des baleines. En fait, avec notre concept, on n’est pas un passager passif mais un acteur d’une aventure qui reste de courte durée.

* NDLR - Le brevet de capitaine 200 voile permet d’être employé à bord d’un navire, soit pour transporter des passagers (30 au maximum) sur des navires de moins de 25 mètres, soit pour conduire un navire pour le compte d'un tiers.

Est-ce que le coût reste abordable comparé à l’offre ferry ?

On est à 240 € la traversée, repas inclus, et avec un tarif réduit de 10 % dans le cas d’un aller-retour ou selon certaines conditions. Les prix des ferries sont évidemment moindres, mais l’expérience que nous proposons est en fait incomparable ! Le tarif actuel est notre seuil de rentabilité. Mais on travaille déjà sur des leviers réglementaires pour essayer de baisser nos prix dans les prochaines années, comme par exemple créer des formules « free riders » pour des gens qui dormiraient sur le pont ou dans le carré. 

Qui dit voyager à la voile, dit être tributaire de la météo parfois capricieuse. Dans ces cas-là, quelles solutions envisagez-vous ?

S’il y a « pétole » comme on dit, on part quand même et on ne s’interdit pas d’utiliser le moteur si c’est absolument nécessaire. Même si, en 2022, nous avons dû prendre cette option 27 % du temps, nous avons malgré tout atteint un taux de décarbonation de 95% en étant en moyenne à 2,4 litres de gasoil par passager sur la saison.

Si au contraire il y a trop de vent, là on ne part pas ! Et dans ce cas, nous proposons à nos clients 3 options : rembourser leur billet, différer leur départ, ou leur garantir un départ le jour-J en les transférant sur un ferry.

Voyager en voilier ça veut dire voyager sans voiture… ce qui peut devenir contraignant en termes d’activités sur place ?

C’est sûr qu’arrivé en Corse, il faut trouver des alternatives d’activités lorsqu’on n’a pas de moyen de locomotion. Mais il faut savoir qu’à partir de Calvi, le port d’arrivée, il y a un petit train qui va jusqu’à Ajaccio à travers un parcours magnifique (proposé par FairTrotter). Très vite, nous comptons développer des partenariats avec des tour-opérateurs pour aider nos passagers à concevoir leur voyage, ce que nous venons déjà de mettre en place avec l’Office de tourisme de Calvi.

Si on avait un vœu à souhaiter à Sailcoop pour cette saison 2023 ?

Un des « moteurs » de l’expérience est de démocratiser la pratique de la voile, encore trop élitiste, et d’en faire, partout où c’est possible, une évidente alternative décarbonée à nos modes de déplacement, et au-delà, à notre vision du voyage. Pour cette saison 2023, nous mettons en vente 2000 billets aller/retour entre le continent et la Corse. Il faut savoir qu’un ferry embarque 2500 passagers par voyage et qu’il y a 9 millions de personnes qui vont sur l’Île de Beauté chaque année ! Autant dire que nos objectifs sont réalistes et que la marge de progression est plutôt large, mais il faut qu’on fasse une belle saison pour se projeter !