Par Christine Brault (Kiki) le 22/11/2023
Petite devinette : quel est le point commun entre un sonneur français, un talabarder (ou biniaouer) breton, un piper écossais, un píobaire irlandais et un gaitero espagnol ? La cornemuse bien sûr ! Cet instrument à vent et plus particulièrement à anches, rattaché à la famille des bois, est en fait, l'un des plus anciens encore joué de nos jours à travers le monde. Fascinante par ses formes, son fonctionnement particulier et ses sons uniques, autant vous dire que la cornemuse n’est pas facile à dompter !
Si elle n’est pas le privilège des Highlands, elle n’en reste pas moins le symbole culturel de cette Ecosse traditionnelle si chère à FairTrotter, où son souffle bourdonnant n’est jamais loin pour faire vibrer nos cœurs !
Commençons par balayer les idées reçues… Non, l’origine de la cornemuse n’est pas écossaise, même si l’Ecosse (et accessoirement l’Irlande) se l’est appropriée des milliers d’années plus tard ! Preuves de son existence au temps de l’Antiquité, des versions primitives ont été trouvées en Égypte, mais d’autres traces témoignent de sa présence en Perse, en Inde, en Grèce, à Rome... En fait, il est impossible d’établir une origine unique à la cornemuse tant il existe, à travers le monde, différentes versions propres à de nombreux pays. Au cours des siècles, la cornemuse évolue dans sa conception et les matériaux utilisés. Instrument pastoral à l’origine, son répertoire musical culmine avec la musique de cour et la musique militaire. C’est d’ailleurs principalement à cet usage qu’était initialement destinée la cornemuse écossaise dont l’apparition régionale remonterait au XVIe siècle.
Pour en savoir plus sur l’histoire des cornemuses, nous vous recommandons l’excellent sujet de L'Instrumentarium de l'Insolite.
On estime à plus d’une centaine le nombre de cornemuses différentes dans le monde... qui n’ont par ailleurs aucun dénominateur linguistique commun ! La France est sans doute le pays qui compte le plus de variétés régionales avec une vingtaine de cornemuses caractéristiques, depuis la bodega du Languedoc, la bousine normande, la veuze de Vendée ou la cabrette auvergnate, en passant par l’incontournable Binioù kozh de Bretagne, et bien d’autres musettes… Quant à la grande cornemuse écossaise (la plus connue à travers le monde), également appelée pìob-mhòr en gaélique écossais, ou Great Highland Bagpipe en anglais, elle est sans doute l’une des plus difficiles à maîtriser en raison des trois « bourdons » à alimenter en air, en plus du « chanter », offrant ainsi un son plus grave et puissant très reconnaissable.
Instrument de l’histoire de l’humanité, la cornemuse a fait aussi sa conquête spatiale ! C’est l’astronaute américain Kjell Lindgren qui, à bord de l’ISS, a joué de la cornemuse dans l’espace pour la première fois en novembre 2015, en interprétant Amazing Grace. Le modèle embarqué a été spécifiquement conçu par une entreprise écossaise, avec des tuyaux en plastique garantissant plus de légèrement et de facilité au nettoyage !
La cornemuse étant une institution en Ecosse, quoi de plus normal qu’un « National Piping Centre » lui soit entièrement dédié, en charge de « promouvoir l'étude de la musique et de l'histoire de la cornemuse des Highlands » ! Installé à Glasgow, ce centre abrite également un musée qui retrace les 300 ans d’héritage de cet emblème de la tradition écossaise.
Mais, contre toute attente, la « capitale mondiale de la cornemuse » se trouve à… Cantoin ! C’est en tout cas ce que revendique ce petit village du nord de l’Aveyron avec son musée des cornemuses du monde ! Créé en 2014, cet espace était, à l’origine, dédié à la cabrette, cette cornemuse fortement implantée sur l’Aubrac. Mais au fil de ses nombreuses acquisitions de cornemuses provenant des pays d’Europe et du bassin méditerranéen, il a fallu pousser les murs en 2020. Avec 120 pièces remarquables, le musée abrite désormais l’une des plus grandes collections (devant New York, Bruxelles, Paris, Glasgow…), et propose un véritable parcours historique et pédagogique enrichi d’animations, de films et d’expositions temporaires.
En Ecosse, on aime mesurer ses forces à travers des journées où l’esprit de compétition côtoie allègrement le sens de la fête et du partage ! C’est le principe des Highlands Games dont les origines remonteraient au XIe siècle et qui font aujourd’hui la renommée de la tradition écossaise. Le nombre de visiteurs annuels ainsi que les nombreuses copies de ses jeux à travers le monde en témoignent !
Outre les lancers musclés d’objets improbables (tronc d’arbre, pierre, marteau…), les épreuves de tir à la corde et de courses à pied, ces compétitions intègrent aussi une large dimension culturelle avec des compétitions de danses traditionnelles et surtout … de cornemuses ! Temps forts des jeux, les concours en solo mettent en avant la virtuosité des pipers jugé.e.s sur leur technique, leur expression musicale, leur précision et dans l'interprétation de pièces traditionnelles et contemporaines. Mais la cornemuse écossaise prend toute sa dimension légendaire lorsque, par centaines, joueurs et joueuses se rassemblent pour défiler à l’unisson.